RÉPONSE SOCIO-ÉCONOMIQUE IMMÉDIATE AU COVID-19 À MADAGASCAR
La crise de santé publique relative au Covid-19 est à l’origine d’une récession mondiale sans précédent et d’une hausse record de la précarité économique et sociale, affectant autant le secteur de l’emploi que fragilisant les structures de productivité en général et causant de sévères impacts sur les conditions de vie. Prenant en considération ses conséquences, le Secrétaire Général des Nations Unies, António Guterres, a élaboré en avril 2020 le Cadre de réponse socio- économique immédiate au Covid-19 des NU pour juguler l’impact socio-économique de la crise dans une vision intégrée avec les réponses humanitaire et sanitaire, reflétant le leadership multiforme ainsi que la valeur ajoutée du Système des Nations (SNU).
A l’instar des autres pays du monde, Madagascar est vulnérable aux impacts et conséquences du Covid-19 de par son intégration et dépendance à l’économie
mondiale et des effets internes sur les facteurs de production, les chaînes de valeurs et le marché de l’emploi. La batterie de mesures sanitaires, administratives et
sécuritaires pour contenir la propagation du virus contribue à mettre à rude épreuve les systèmes socioéconomiques et la jouissance des droits humains.
Prenant en compte ce qui se passe ailleurs et considérant les fragilités structurelles spécifiques à Madagascar dans plusieurs secteurs sociaux et économiques, l’offre de réponse socioéconomique du SNU se construit sur un scénario de cohabitation prolongée avec la situation de crise (d’intensité variable et difficile à prévoir) et donc considère des impacts socio-économiques correspondants. Une prévision qui met en cause les maigres progrès atteints depuis 2015 dans la réalisation des ODD et renforce la pression sur Madagascar dans cette Décennie d’Action. Trois mois après la détection des premiers cas de Covid-19, la situation épidémique au niveau du pays continue de se détériorer. Au 23 juin, les cas confirmés étaient 1,724 et les décès 15 ; chiffres largement sous-estimés à cause de la faible capacité de tester (300 tests par jour au maximum pour une population de 27 millions d’habitants). Par ailleurs, l’épidémie a affecté les deux plus grandes villes économiques du pays, qui sont restées en confinement depuis plus de 3 mois, et les impacts socioéconomiques se multiplient.
Le Ministère de l’Economie et des Finances a annoncé une réduction importante de la croissance économique pour 2020 : prévue à 5,5% au début de l’année, elle devrait chuter à 0,8% selon la dernière projection. La faiblesse de la demande (interne et internationale) et les mesures de confinement ont créé (i) des interruptions ou baisses d’activité dans des secteurs clés tels que le tourisme, les transports, le textile et le secteur informel, (ii) des perturbations dans la disponibilité de la main d’œuvre, (iii) des interruptions dans la chaîne d’approvisionnement (p. ex. intrants et l’écoulement des produits agricoles), (iv) des pertes et/ou réductions drastiques des chiffres d’affaires et par conséquent de l’emploi. La perte de revenus des ménages s’ajoute aux carences conjoncturelles et structurelles des services publics de base pour des impacts qui se font de plus en plus sévères. C’est le cas par exemple de (i) la faible capacité de réponse du système sanitaire dénotant de l’impréparation, mais aussi l’absence de confiance de la population et des manifestations résiduelles des effets de stigmatisation des épidémies passées (peste et rougeole), (ii) l’insuffisance de couverture de la protection sociale due à l’inflation de la demande, mais aussi à cause de son insignifiance, (iii) l’augmentation des risques d’abandon scolaire associée aux interruptions momentanées, mais aussi du fait de la qualité précaire du système éducatif en temps normal, (iv) l’augmentation de la violence basée sur le genre du fait de la sédentarisation forcée, exacerbée par la promiscuité et l’insanité des habitats (v) le risque accru de malnutrition liée à la rareté des produits alimentaires de base, dans une situation habituelle de malnutrition répandue (43% de la population). Les mesures de restriction des droits et libertés fondamentaux exacerbent les frictions dans les sphères d’interactions civiles, aggravant les discriminations et autres inégalités, en même temps qu’elles font resurgir le spectre de déstabilisations sociopolitiques. Cette réponse socio-économique intervient à ce stade pour poursuivre, structurer et renforcer l’engagement du SNU à côté du Gouvernement de Madagascar pour consolider les investissements sanitaires et humanitaires de la première heure.
Elle s’articule autour de cinq piliers d’interventions intégrés, indissociables et interdépendants. En premier lieu, elle se focalise sur la nécessité immédiate de maintenir l’efficacité des infrastructures de santé (Pilier 1), l’accès aux services (publics) de base et la provision de la protection sociale (Pilier 2). Elle appelle aussi à la protection des emplois, des entreprises et des moyens de subsistance (Pilier 3), à un cadrage macroéconomique adéquat (Pilier 4) et à la cohésion sociale, la gouvernance et la redevabilité (Pilier 5), dans le but d’enclencher une relance du développement de la société et de l’économie à Madagascar qui s’inscrit dans l’inclusivité, l’égalité de genre, les droits de l’homme, la durabilité de l’environnement et la protection de la biodiversité. En chiffre, ce cadre comprend 73 réponses socio-économiques, étalées sur les prochains 18 mois, pour un coût global de 167,445 millions USD. Près de 62% de ce montant, soit 103,815 millions USD, est engagé par le SNU à travers une réallocation des ressources prévues pour 2020 et une mobilisation de ressources programmatiques pour 2021. Les 63,630 millions USD restants feront l’objet des efforts de mobilisation de ressources du SNU auprès de ses partenaires pour assurer la mise en œuvre effective de la totalité de cette réponse. Pour une grande partie, il s’agit de mesures qui renforcent la coopération et les synergies opérationnelles entre plusieurs agences du SNU ; un nombre considérable relève de mesures qui font le lien entre différents piliers dans une logique d’effort intégré. Le postulat de l’offre du SNU n’est pas un retour à la normale pour Madagascar; mais plutôt une propulsion indispensable vers l’atteinte des ODD, suivant l’esprit de la déclaration du Secrétaire général des Nations Unies « Tout ce que nous faisons pendant et après cette crise doit être résolument axé sur la construction des économies et de sociétés plus égalitaires, plus inclusives, plus durables et plus résilientes aux pandémies, au changement climatique et aux nombreux autres défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés ». Cette offre présente les prémices de l’engagement continu du SNU à côté du gouvernement de Madagascar et du peuple Malagasy qui sera conjointement réitéré dans le nouveau Plan Cadre de Coopération des Nations Unies pour le Développement Durable (UNSDCF).
Pour porter et concrétiser les promesses de la réforme du système des Nations Unies, cette offre et le nouveau Cadre de Coopération s’inscriront dans la promotion de la transparence dans la gestion des ressources, la bonne gouvernance (efficacité, efficience et coordination des interventions), la protection des droits humains , la promotion de l’état de droit et du genre ainsi que la redevabilité à tous les niveaux afin que personne ne soit laissé de côté, y compris dans la reconstruction post-Covid-19.