TRIBUNE PUBLIÉE À L’OCCASION DE LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES FEMMES : L’ECART DE POUVOIR ENTRE LES GENRES
28 février 2020
LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
TRIBUNE PUBLIÉE À L’OCCASION DE LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES FEMMES : L’ECART DE POUVOIR ENTRE LES GENRES
8 mars 2020 - Les inégalités de genre représentent l’injustice la plus criante de notre époque et le plus grand défi à relever en termes de droits humains. Mais l’égalité des genres peut aussi apporter des solutions à certains des problèmes les plus épineux de notre temps.
Partout, les femmes sont moins bien loties que les hommes, pour la simple et bonne raison qu’elles sont des femmes. La réalité des femmes issues de minorités, des femmes âgées, des femmes handicapées, des migrantes et des réfugiées est pire encore.
Ces dernières décennies, les droits des femmes ont énormément progressé dans certains domaines : pensons à l’abolition de lois discriminatoires, ou encore à l’augmentation du nombre de filles qui vont à l’école. Mais aujourd’hui nous devons faire face à des efforts puissants de retour en arrière. Dans certains pays, la protection juridique contre le viol et la violence domestique s’affaiblit. Dans d’autres, les femmes sont pénalisées par de nouvelles politiques, qui vont des mesures d’austérité jusqu’à des politiques répressives en matière de reproduction. En ce qui concerne leur sexualité et la procréation, leurs droits sont menacés de toutes parts.
Tout cela parce que l’égalité des genres est, fondamentalement, une question de pouvoir. Des siècles de discrimination systématique et de patriarcat profondément enraciné ont créé des rapports de force extrêmement déséquilibrés entre les genres dans nos systèmes économiques et politiques et dans nos entreprises. Tout tend à le montrer.
Des gouvernements aux conseils d’administration, en passant par les cérémonies prestigieuses de remise de prix, les femmes restent exclues des places de choix. Les dirigeantes et les personnalités publiques subissent harcèlement, menaces et agressions, sur Internet aussi bien qu’ailleurs. L’écart de rémunération n’est que l’un des symptômes de l’écart de pouvoir entre les genres.
Même les données prétendument neutres qui nourrissent les prises de décisions dans tous les domaines – de l’urbanisme au dépistage de drogues – se basent par défaut sur l’homme, qui est considéré comme la norme, alors que la femme ne serait qu’une sorte d’exception.
Les femmes et les filles pâtissent des effets de plusieurs siècles de misogynie, qui ont effacé leurs réalisations. On les rabaisse en les accusant d’être hystériques ou instables. On les juge constamment sur leur apparence. On ne cesse d’inventer des mythes et des tabous concernant leurs fonctions corporelles naturelles. Il faut encore ajouter à tout cela le sexisme ordinaire, la tendance à jeter le blâme sur les victimes et la manie qu’ont les hommes de vouloir tout leur expliquer.
Cela nous touche tous profondément et entrave notre capacité de faire face à toute une série de défis et de menaces.
Prenons par exemple les inégalités. Chaque fois qu’un homme gagne 1 dollar, une femme ne touche que 77 centimes. Selon les dernières recherches du Forum économique mondial, il faudra 257 ans pour combler cet écart. De plus, les femmes et les filles effectuent chaque jour environ 12 milliards d’heures de travail de soins non rémunéré, qui ne sont tout bonnement pas prises en compte dans les décisions économiques. Si nous voulons parvenir à une mondialisation équitable qui profite à toutes et à tous, nous devons fonder nos politiques sur des données qui tiennent compte de la véritable contribution des femmes.
La technologie numérique est un autre exemple frappant. L’absence de parité dans les universités, les start-ups et les Silicon Valleys du monde entier est profondément inquiétante. Ces pôles technologiques façonnent les sociétés et les économies du futur ; nous ne pouvons pas les laisser asseoir et exacerber la domination masculine.
Autre exemple: les guerres qui font rage dans le monde. La violence contre les femmes, l’oppression des civils et les conflits sont directement liés. La façon dont la société traite la moitié féminine de sa population est révélatrice de la façon dont elle traite l’Autre. Même dans les sociétés où règne la paix, de nombreuses femmes sont en danger de mort dans leur propre foyer.
On retrouve les écarts entre les genres jusque dans l’action menée face à la crise climatique. Les campagnes en faveur du recyclage et de la réduction des déchets ciblent avant tout les femmes, tandis qu’on suppose les hommes plus enclins à faire confiance à des solutions technologiques qui n’ont jamais été testées. Et parmi les économistes et les parlementaires, les femmes soutiennent davantage les politiques environnementales que les hommes.
Enfin, la représentation politique est la preuve la plus flagrante du déséquilibre des rapports de force. En moyenne dans le monde, les hommes sont trois fois plus nombreux que les femmes à siéger au parlement, mais la présence des femmes est étroitement liée à l’innovation et à l’investissement dans la santé et l’éducation. Ce n’est pas un hasard si les États qui réinventent la réussite économique pour prendre en considération le bien-être et la durabilité sont dirigés par des femmes.
C’est pourquoi l’une de mes priorités pour l’Organisation des Nations Unies a été de faire en sorte que plus de femmes occupent des postes de responsabilité. Nous sommes parvenus à la parité femmes-hommes aux postes de direction deux ans avant la date prévue et nous avons un plan d’action pour arriver à la parité à tous les niveaux dans les années à venir.
Le monde est en difficulté, et l’égalité des genres est essentielle pour surmonter les obstacles. Les problèmes qui ont été créés par l’homme ne sauraient être réglés que par l’humanité tout entière. L’égalité des genres est un moyen de redéfinir et de transformer les rapports de force de sorte que toutes et tous soient gagnants.
Le XXIe siècle doit être le siècle de l’égalité femmes-hommes dans les pourparlers de paix comme dans les négociations commerciales, dans les conseils d’administration comme dans les salles de classe, au G20 comme à l’ONU.
Le moment est venu d’arrêter de vouloir changer les femmes et de commencer à changer les systèmes qui les empêchent de réaliser leur potentiel.