L'entrepreneuriat, une voie pour limiter le phénomène de migration dans le sud de Madagascar.

J’admets que les conditions de vie actuelles dans l'Androy sont complexes.
J’admets que les conditions de vie actuelles dans l'Androy sont complexes. Je connais des jeunes et des familles qui ont choisi de partir trouver le mieux ailleurs. Moi, j'ai pu monter mon entreprise de transformation de cactus rouge. Je suis restée dans ma ville de Tsihombe", confie Todisoa Claudia Raïssa, une jeune femme de la région Androy, dans le sud de Madagascar, actuellement à la tête d'une entreprise qu'elle a baptisée Mikajy.
En effet, au cours des dernières années, une augmentation significative des flux de migration interne des régions du sud de Madagascar vers les centres urbains et les zones rurales de l'ouest et du nord-ouest a été enregistrée. Les études menées par les Nations Unies selon une approche de sécurité humaine dans le cadre du projet conjoint mené par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) avec le soutien financier du Fonds d’affection spéciale des Nations Unies pour la sécurité humaine (UNTFHS) ont ressorti que bien que la migration interne ne soit pas un phénomène nouveau à Madagascar, les dynamiques sous-jacentes ont changé de manière significative, perturbant les dynamiques sociales, politiques et économiques locales. Les insécurités dans les régions d'origine et de destination des migrants se sont exacerbées. Ces défis complexes soulignaient l'urgence d'une réponse appropriée qui prend en compte la sécurité humaine dans toutes ses dimensions.
Raïssa compte parmi les bénéficiaires de l’appui des Nations Unies à travers ce projet conjoint de l'OIM et du PNUD financée par UNTFHS qui vise le renforcement des capacités des acteurs concernés à répondre aux défis liés aux migrations internes non gérées à Madagascar en adoptant une approche fondée sur la sécurité humaine.
À la suite des études effectuées dans les régions Menabe et Androy, ce projet conjoint a permis de mener des plaidoyers, des dialogues communautaires et des ateliers de formations ciblant les acteurs locaux. Au début, Raïssa a suivi une formation de trois jours sur la migration et la sécurité humaine. Elle a participé aux dialogues communautaires qui ont permis aux participants de connaître les causes profondes de la migration et aux échanges sur les stratégies qu’ils peuvent adopter pour y faire face. Raïssa n’a pas connu ce qu’est la migration et la protection avant la formation, mais ensuite, elle ainsi que les autres participants ont compris que toute sorte de déplacement est considérée comme une migration. Même si une personne est partie et ensuite revenue, on la considère comme une migrante.

La méconnaissance des possibilités de la culture, de la gestion et de la transformation des produits locaux a été une des raisons de la migration. Les jeunes n’ont pas assez de connaissances sur le genre de semence qu’ils peuvent cultiver et ne savent pas quel genre de culture ils peuvent pratiquer et comment les utiliser. Face à la terre aride et le coût des produits locaux très bas, la tentation est très forte pour la migration. Les jeunes décident de quitter leurs villages et leurs villes natales quand ils gagnent un peu d’argent pour pouvoir survivre ailleurs alors qu’ils peuvent cultiver la terre avec des produits locaux qui résistent à la chaleur et à l’aridité du sol et passer à la transformation pour en tirer plus de bénéfices et avoir une meilleure vie.
« Le cactus rouge a été considéré comme un problème en tant que plante invasive dans nos régions. Grace aux divers conseils de transformer les problèmes en opportunité, je me suis basée sur la transformation du cactus rouge. Actuellement, mon commerce grandit petit à petit. Je produis jusqu’à 200 bouteilles de vin de cactus rouge par mois, de la confiture et de la pâte de fruit de cactus rouge et la vente va plutôt bien. » Raissa a été fière de témoigner des impacts des actions qu’elle a menées avec l’appui des Nations Unies pour limiter le phénomène de migration et ses effets.

La stratégie nationale pour la sécurité humaine face aux défis des migrations internes à Madagascar
Le phénomène de migration ne touche pas seulement la région Androy bien que ce soit la région la plus touchée.
Madagascar fait face à une augmentation significative des migrations internes, exacerbées par des facteurs socioéconomiques et environnementaux. La stratégie nationale de sécurité humaine liée aux migrations internes à Madagascar est désormais disponible et requérante des engagements concrets pour sa mise en œuvre.

Lors de la présentation officielle de cette stratégie couplée par un appel à mobilisation de ressources auprès des acteurs et institutions, le Représentant résident du PNUD, Dr Edward Christow, a souligné l’importance de l’engagement collectif pour répondre aux migrations internes non gérées : « Nous saluons l’engagement et l’appropriation de la partie nationale dans ce vaste chantier complexe qui a engagé différents acteurs nationaux, que ce soit le secteur privé, les organisations de la société civile, les autorités locales et régionales, ainsi que les autorités traditionnelles. Nous appelons chaque partenaire ici présent à mobiliser ses ressources, qu’elles soient financières, techniques ou opérationnelles, pour garantir la mise en œuvre efficace de cette stratégie. »

Le Chef de mission de l’OIM, M. Roger Charles Evina, a soutenu pour sa part que « la migration interne à Madagascar a un impact direct sur des secteurs clés tels que l’emploi, l’éducation, la santé et le développement territorial. Si elle n’est pas accompagnée de manière appropriée, elle peut exacerber les vulnérabilités et fragiliser la cohésion sociale. C’est pourquoi, avec l’appui du Fonds d’affectation spécial des Nations Unies pour la sécurité humaine, l’OIM et le PNUD ont travaillé en étroite collaboration avec les autorités nationales et locales, les organisations de la société civile et les partenaires internationaux pour élaborer une stratégie intégrée et durable. Cette stratégie n’est pas seulement un document de référence, elle est un appel à l’action pour préserver la dignité et la sécurité de chaque individu affecté par ces migrations internes. »

Ces efforts de trouver des solutions durables face à la migration et la sécurité humaine font partie des initiatives vers l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD). Aujourd’hui, cette stratégie représente un cadre d’action essentiel pour répondre aux défis des migrations internes de manière coordonnée et inclusive et encourage les partenaires engagés dans le développement durable à soutenir sa mise en œuvre à travers des financements, des expertises et des actions concertées misant sur la sécurité humaine.
Le cas de l’entreprise Mikajy de Raïssa de Tsihombe est une preuve palpable que la migration n’est pas toujours la seule ou la meilleure solution face aux défis de développement, dont la sécheresse dans le sud. Raïssa sensibilise les jeunes à utiliser leurs talents et leur savoir-faire avec ce qu’ils peuvent cultiver et transformer chez eux pour pouvoir gagner leur vie et survivre face à la migration.
Reconnaissante envers le PNUD et l’OIM, Raïssa fait appel également aux autres partenaires pour mieux soutenir les jeunes entrepreneurs de la région pour leur permettre d’agrandir leurs activités et pour les retenir dans leur ville natale.

LES SEPT GRANDS AXES D’ACTIONS DE LA STRATEGIE NATIONALE POUR LA SECURITE HUMAINE LIEE AUX DEFIS DES MIGRATIONS INTERNES A MADAGASCAR

La stratégie développée pour Madagascar et les zones sensibles aux migrations repose sur une approche commune aux zones de départ et de destination et des approches spécifiques pour chacune de ces zones et 7 grands axes d’actions :
1. Assurer les droits civils et politiques des individus, ainsi qu’une gouvernance juste et démocratique
2. Maintenir la cohésion et la stabilité des communautés sociales et culturelles
3. Protéger les individus contre la violence, le crime et l’exploitation
4. Protéger les écosystèmes et les ressources naturelles garantissant ainsi des conditions de vie durables
5. Veiller à l’accès aux soins médicaux nécessaires pour une vie saine
6. Assurer un approvisionnement constant et de qualité en nourriture
7. Garantir l’accès aux ressources suffisantes pour répondre aux besoins essentiels des individus
