Art populaire, un projet porteur des rêves de la jeunesse pour la sécurité et la paix dans le Sud de Madagascar
![Gama ANDRIAMBOLANIRINDRA](/sites/default/files/styles/hero_header_2xl_1x/public/2023-09/Image4.jpg?itok=iMWDFzeI)
Des jeunes en messagers de la paix
« Je rêve d’un « Betroka » paisible et sans violence dans lequel des jeunes actifs et engagés pour la paix durable sont motivés et veillent au développement de la région. La mobilisation des jeunes pour la paix constitue la clé du développement ». Ces mots du jeune Gama résonnent à Betroka, dans le Sud de Madagascar. C’est une leçon de sagesse de la jeunesse face à l’atteinte des ODD notamment l’ODD 16 car la paix ne peut se faire sans les jeunes et sans la paix et la sécurité, il n’y aura pas de développement.
Depuis quelques années, la paix et la sécurité progressent peu à peu dans le Sud. En effet, les jeunes apportent leurs pierres à l’édifice dans le processus de consolidation de la paix. Ils font usage de leurs voix et de leurs talents artistiques pour passer des messages, sensibiliser leurs pairs et leurs communautés à la prévention et à la résolution pacifique des conflits. Des poèmes à la chanson, en passant par le théâtre, les jeunes puisent dans leurs réserves de talents pour réaliser des exploits. Désormais, loin d’être marginalisés, les membres de la nouvelle génération sont écoutés par leurs aînés, les anciens tout comme les autorités, et participent aux prises de décision qui concernent leurs communautés. Le dialogue s’établit entre différents acteurs, y compris avec les forces de défense et de sécurité, afin de recréer des liens et restaurer la confiance pour une collaboration en faveur de la sécurité.
Le projet « Art populaire au service des jeunes engagés pour la consolidation de la paix dans le Sud de Madagascar » a pour objectif de promouvoir la rencontre et restaurer le dialogue entre les jeunes à travers un collectif mixte d’artistes et le réseautage des jeunes. Il contribue au renforcement de leur participation positive à la consolidation de la paix aux côtés des autorités et de leurs aînés.
Le projet a ainsi permis de réaliser quatre-vingts (80) œuvres artistiques produites en collaboration avec les jeunes artistes, treize (13) poèmes, soixante-cinq (65) chansons, une (01) version instrumentale ; un (01) théâtre ; vingt-sept (27) maquettes enregistrées ; un (01) clip vidéo tourné avec l’artiste Théo Rakotovao – Mikea. Quatre (04) studios d’enregistrement ont été mis en place, équipés et sont gérés par les jeunes avec l’appui des partenaires de mise en œuvre (ACDEM, TKI).
Certains de ces jeunes sont issus des communautés qui résident dans les montagnes de l’Andriry, une zone considérée comme le refuge des « Malaso » ou bandits. Les régions Anôsy, Androy, Ihorombe et Atsimo Atsinanana ont bénéficié de ce projet mis en œuvre par le PNUD et UNFPA.
Les jeunes sont aujourd’hui intégrés comme acteurs et partie prenante dans la vie publique et les prises de décision communautaire.
A l’issue du projet, 130 jeunes formés en gestion des conflits interviennent régulièrement pour gérer pacifiquement les conflits dans leurs villages et mènent des actions de plaidoyer. De plus, les jeunes sont intégrés aux processus de dialogue et de prise de décision, notamment en participant aux 12 Structures Locales de Concertation (SLC) dans les communes d’intervention : 30 % minimum des membres sont des jeunes.
Une douzaine de formations de jeunes membres de SLC sur l’organisation et la facilitation d’un dialogue constructif, inclusif et orienté vers les solutions ont été dispensées. Leurs voix ont également été sollicitées dans les 4 Tribunes d’Expression Multi-acteurs (TEM) organisées par pôle : 1 sur Betroka, 1 sur Tsivory, 1 sur Begogo et 1 pour Lavaraty/Soakibany.
Les jeunes se sentent valorisés et devient motiver pour contribuer à la paix et la cohésion sociale car désormais leurs voix comptent.
Un projet ambitieux mais pas impossible
Le Fonds du Secrétaire Général des Nations Unies pour la Consolidation de la Paix – United Nations Peace Building Fund (UN PBF) est l’instrument financier utilisé en premier recours par l’Organisation pour maintenir la paix dans les pays où une situation de conflit violent risque d’éclater ou sévit déjà. Le Fonds peut investir auprès d’entités des Nations Unies, de gouvernements, d’organisations régionales, de banques multilatérales, de fonds d’affectation spéciale multi-donateurs nationaux et d’organisations de la société civile.
Le Fonds, dont l’action porte sur l’ensemble des piliers autour desquels s’organisent les activités de l’ONU, appuie les interventions intégrées des organismes des Nations Unies, avec pour objectif de combler les lacunes dans des domaines critiques, de saisir rapidement et habilement les opportunités politiques et de stimuler les processus de paix et mobiliser les ressources en sachant prendre la juste marge de risque.
Le PBF intervient à Madagascar depuis 2015 afin d’appuyer les efforts pour l’amélioration de la sécurité et de la cohésion sociale, pour la prévention et la résolution pacifique des conflits, pour la gouvernance démocratique et la lutte contre la corruption, pour renforcer la participation des femmes et des jeunes, ainsi que pour la promotion des droits humains. La participation des jeunes dans le sud est particulièrement vitale pour la sécurisation durable de ces régions.
Le portefeuille de projets de consolidation de la paix à Madagascar reconnaît l’importance de travailler avec et pour les jeunes, en adéquation parfaite avec la Stratégie des Nations Unies « Jeunesse 2030 ». A travers une approche qui consiste à encourager leur participation, en amplifiant leur voix, les Nations Unies collaborent avec les jeunes en tant que partenaires et leaders.
Ainsi, le projet Art Populaire intervient en lien avec la reconnaissance du rôle positif et du travail des jeunes pour la paix, consacré par la Résolution 2250 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. La participation des jeunes constitue un pilier d’intervention important de la consolidation de la paix, pour assurer la cohésion sociale et l’inclusion de tous, y compris des catégories marginalisées. Selon « Youth, Peace and Security Programming Handbook », ce travail des jeunes pour la paix peut prendre différentes formes, l’art en est une.
L’espoir d’un retour permanent au calme
Le sud de Madagascar connaît depuis quelques décennies une situation d’insécurité et de violence, avec la montée du phénomène « dahalo ». Ces bandes armées attaquent, volent, violent et n’hésitent pas à tuer. Elles sont constituées par des jeunes, hommes en majorité mais aussi quelques femmes, attirés par l’image de force et la crainte suscitée auprès des populations et autorités, ainsi que par le sentiment d’appartenance et l’attrait de la richesse matérielle. Cette insécurité cumulée avec d’autres facteurs comme l’insuffisance d’infrastructures et de services publics, le manque d’opportunités d’emplois et d’activités génératrices de revenus, en particulier pour les jeunes, menace la paix et la cohésion sociale de la région et des communautés, et limite fortement les possibilités de développement. Jusque-là peu écoutés par les aînés, les jeunes étaient marginalisés voire mis à l’écart de la vie et du développement communautaires, mais aussi de la lutte contre l’insécurité.
Face à cette situation, les Nations Unies avec l’Etat, les forces de défense et de sécurité (FDS), la société civile et les communautés collaborent à travers le portefeuille de consolidation de la paix et le Nexus humanitaire-paix-développement, pour poser les bases d’une paix durable et inclusive qui ouvre la voie au développement du sud. Les jeunes sont mis à l’honneur dans ces projets.
Inclusion pour une meilleure cohésion sociale
Le projet Art Populaire contribue à l’inclusion des jeunes et va plus loin : il valorise la responsabilisation des jeunes.
Douze (12) associations de jeunes ont été créées et opérationnalisées : ZATAFA, TARATRA, TALAMI, TAMA, ZAISA, AKAMA, TAMASAVA, TSIVOZAKA, BEMIRAI, FIHAMY, TATIFASOA, FITAVOHA. Ces associations comptent au total 6750 membres (3027 jeunes femmes et 3723 jeunes hommes). Les jeunes gèrent ces associations. Trois (03) associations ont par ailleurs des jeunes femmes à leur tête en tant que présidentes.
Douze (12) plans de paix ont été élaborés. 18 projets prioritaires de jeunes ont été sélectionnés pour être mis en œuvre dans le cadre de ces plans: dotation en matériel et équipement sportif, formations professionnelles, réhabilitation des terrains de sport… Dans l’objectif de rapprocher les jeunes et les FDS, les causes de méfiance mutuelle entre les deux parties et avec le secteur de la justice ont été identifiées afin de proposer des solutions. Toujours dans cette optique, 12 évènements culturels et sportifs ont ainsi été organisés (concerts, match de foot, journée internationale de la Paix avec stands et défilé…).
Le projet Art Populaire a aussi inspiré le programme Fanoitra (ou levier en français) qui fait partie de la stratégie nationale Emergence à la base (2022-2028) du gouvernement malagasy. Ce programme est porté par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, pour assurer l’implication des jeunes dans le programme de développement national. Cette stratégie s’est inspirée des groupements - associations et réseaux - de jeunes mis en place par le projet Art Populaire : formations et renforcement de capacités des jeunes, notamment en life skills, sensibilisation par les jeunes pairs, etc.
Fanoitra a été officiellement lancé à Betroka lors de l’inauguration de la maison des associations de jeunes construite par le projet Art Populaire, durant la mission PBF conjointe de haut niveau, le 06 juillet 2022, en présence du Directeur de cabinet militaire de la Primature, Général de Brigade Ruphin Zafisambo, du Coordonnateur résident du SNU, M. Issa Sanogo, du Secrétaire Général du Ministère de la Jeunesse et des Sports, M. Lovatiako Michel Desanges Ralaivao, et le Directeur Général Jeunesse, Mme Tsikitsiky Razanamasy. Les jeunes des associations à Betroka ont été choisis pour constituer le fer de lance du mouvement Fanoitra à travers le pays.
Cette maison des associations de jeunes est gérée par les jeunes, pour accueillir les activités culturelles et projets, et elle est dotée d’un studio d’enregistrement, d’instruments de musique et d’ordinateurs. Il est également prévu d’y mettre en place des services destinés aux jeunes dont la santé sexuelle et reproductive.
Quand l’art change les vies…
Le projet encourage la prise de parole des jeunes à travers la musique, canal pacifique d’expression auquel tout le monde est sensible, tout en leur permettant de développer leurs talents et de toucher d’autres jeunes.
![Gama ANDRIAMBOLANIRINDRA](/sites/default/files/styles/featured_image/public/2023-09/Image4.jpg?itok=fiaFVwK6)
Gama ANDRIAMBOLANIRINDRA, jeune artiste et activiste bénéficiaire du projet Art Populaire, témoigne :
« En tant que jeune activiste et passionné de musique, je me suis engagé dans la consolidation de la paix depuis le mois de septembre 2020 à travers l’association ACDEM. J'ai pu intervenir dans 15 Fokontany de Betroka en vue d’identifier des jeunes talentueux et de sensibiliser les jeunes de notre commune, sur la culture de la paix, la citoyenneté et la lutte contre les violences. Je suis fier de contribuer au changement chez nous : depuis que je suis ici, au moins 504 jeunes ont été sensibilisés et sont devenus messagers de la paix dans leurs quartiers respectifs.
Des échanges avec les jeunes et des séances de sensibilisation au niveau des communautés constituent notre méthodologie d’approche afin de pouvoir impacter plus de jeunes.
Si on veut atteindre les ODD, nNous souhaitons que les jeunes puissent être considérés pour toutes prises de décision en faveur de développement car ils sont en même temps acteurs et bénéficiaires. »
Les impacts du projet sont visibles directement dans la vie quotidienne. Des jeunes autrefois enrôlés dans des groupes de « malaso » sont rentrés dans le droit chemin grâce au projet Art populaire, aux formations et sensibilisation, aux activités sportives et culturelles, qui valorisent les jeunes. Le projet a permis à ces jeunes de s’intégrer dans la société et de cohabiter ensemble quelle que soit leur communauté d’origine.
![Une jeune femme convertie : hier, enrôlée dans les « malaso », aujourd’hui messagère de paix](/sites/default/files/styles/featured_image/public/2023-09/Image2_0.jpg?itok=EYBHTUz_)
Une jeune femme convertie : hier, enrôlée dans les « malaso », aujourd’hui messagère de paix
Norline SIJA, 27 ans, de la commune d’Isoanala (fokontany Sakoamasy) illustre ce changement. Cette jeune femme participait aux attaques des malaso : en tant qu’animatrice, elle avait pour rôle de motiver et d’encourager les criminels durant les attaques. Toutefois, elle a changé grâce à la sensibilisation à travers le projet. Elle est devenue membre de l’association ZAISA et désormais, la machine à coudre a pris la place du fusil.
Liens vers ressources internet :
- Musiques du sud interprétées par les jeunes artistes du projet Art Populaire
- Clip vidéo SOA GNY FILAMIGNA, Theo RAKOTOVAO feat jeunes artistes du projet Art Populaire
- Vidéo documentaire portefeuille PBF sud de Madagascar, version anglaise
- Trailer https://youtu.be/BwaFSwrYs5E
![culturel](/sites/default/files/styles/featured_image/public/2023-09/Image5_1.jpg?itok=qID7dOpT)
![Jeune](/sites/default/files/styles/featured_image/public/2023-09/Image6_1.jpg?itok=Bt4ogDCr)
Les jeunes vont de commune en commune pour faire de la sensibilisation et passer les messages de paix
![jeune](/sites/default/files/styles/featured_image/public/2023-09/Image7_1.jpg?itok=WcOYPs-0)
![CR et Ministre](/sites/default/files/styles/featured_image/public/2023-09/Image8.jpg?itok=xr0fLBzu)
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